Ô
temps, suspends ton vol ! |
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Dans
la version originale de Un Jour sans
Fin, de Harold Ramis (Groundhog Day,
1993), le héros récite un peu
de Jacques Brel pour impressionner la belle
sur laquelle il a jeté son dévolu.
Bill Murray dit : "La
fille que j'aimera, sera comme bon vin qui se
bonifiera, un peu, chaque matin".
L'héroïne, n'en croyant pas ses
oreilles, lui dit d'un ton émerveillé
: "You speak french
?" Et lui de répondre : "Oui".
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Comment rendre cela dans une version française,
espagnole ou allemande ? |
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Dans
les versions espagnole, allemande
et italienne, pas de problème :
les doubleurs reprennent le texte tel quel.
Dans la version française, en
revanche, c'est une autre paire de manches. Là,
on change tout et le héros se met à réciter
des vers en italien ! (Que je ne saurais retranscrire
ici).
Après le morceau de bravoure linguistique, la fille
s'exclame : "Mais, tu parles
italien !" et l'autre de répondre :
"Si".
Reste la version québécoise.
Là, les traducteurs |
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traducteurs
se sont montrés un peu plus malins. Le dialogue
devient : "Ô temps,
suspends ton vol / Et vous, heures propices / Suspendez
votre cours / Laissez-nous savourer les rapides
délices / Les plus beaux de nos jours".
Et la fille de s'extasier : "Tu
connais Lamartine ?" Oui, bien sûr. |
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Le
compte n'est pas bon ! |
Pour
le film Alamo de John Wayne
/ John Ford (1960), les traducteurs se sont
autorisés quelques bizarreries.
Dans la version courte, à 2h13'05,
on peut entendre en anglais
: "Vous leur
direz que 185 de leurs camarades..."
En français cela devient : "Vous
leur direz ceci : qu'en cet instant 197
de leurs camarades..." !
Dans les versions allemande
et espagnole, le "185"
a été conservé.
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Plus loin, à 2h26'11, le colonel
Travis s'écrie en anglais
: "La batterie
n°3, par ici !"
En français, les
canons se transforment en infirmiers et
la réplique devient : "Portez
les blessés à l'infirmerie
! Dépêchons-nous !"
Étonnant, non ? D'autant que le plan
suivant montre bien un groupe de combattants
en train de déplacer un canon.
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Raccourcis
chez Bergman |
Le
sous-titrage français nous cache parfois
des choses. Quelques exemples dans un film
du suédois Ingmar Bergman, cliquer |
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Comique
involontaire |
Dans
la version zone 1 de Wildthings
de John McNaughton (rebaptisé "Sex
Crimes", 1998), le sous-titrage québécois
est parfois très drôle.
A 1h01'04, quand Kevin Bacon s'entretient
au bord d'une piscine avec la sculpturale
Denise Richards (en maillot de bain), on
entend : "Vous
êtes forte, Kelly !" mais
on lit : "T'es
bonne !"
C'est le cas de le dire.
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Dialogues
aseptisés |
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Dans
Belles à mourir (Drop dead Gorgeous, 1999), une
comédie grinçante de Michael Patrick Jann,
le passage à la version française a été
l'occasion d'une petite aseptisation du texte.
Dans la version originale, un gérant de magasin
de meubles, gros beauf un tantinet antisémite,
dit à deux clients : «
Hey, Tim, Carla ! Listen : You two don't jew me down too
much on that dinette, I'll throw in a hutch for free.
Ok ?... » autrement dit : «
Hé, Tim, Carla, écoutez : faites pas trop
les juifs |
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les
juifs pour cette salle à manger, j'offre le vaisselier
en prime ; c'est d'accord ?... »
Dans la version française, on observe quelques
changements. D'abord les clients deviennent des vendeurs.
Ensuite on entend le gérant leur dire : «
Hé, Tim, Carla ! Écoutez, vous vendez cette
salle à manger sans ristourne et vous offrez le
vaisselier en prime, c'est compris ? »
Passons sur le contresens apparent (volontaire ou non).
Ce qui frappe, surtout |
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surtout,
c'est la disparition du « faites pas trop
les juifs » qui a dû paraître
trop politiquement incorrect.
Cela dit, lorsque j'ai vu le film en salle, il me
semble bien que le sous-titrage était resté
fidèle au texte d'origine. |
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Note
: en argot américain, le verbe transitif "to jew"
signifie "marchander avec excès", sous-entendu
"comme un Juif". Aux États-Unis, plusieurs
organisations juives ont demandé qu'il soit retiré
des dictionnaires. |
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Jeux
de mots chez Woody Allen |
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Dans
les films de Woody Allen, on parle, on parle,
on joue avec la langue, et les adaptateurs
doivent souvent s'arracher les cheveux pour
transposer les jeux de mots. |
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pas
bien l'anglais, tout est dans la prononciation du "D'you"
qui, avec un léger chuintement, donne "Jew",
c'est-à-dire "Juif". Pour rendre le jeu
de mots en français, les adaptateurs ont dû
procéder de deux façons.
Pour le sous titrage, la réplique est devenue :
« Je devais rencontrer ce
gars de NBC. En le voyant, je lui dis : "Ça
va ?" Tom Christie me répond : "Et toi,
ça va ? Mais en fait, il n'a pas dit "Ça
va ?". Il a dit "sabbat ?" "Ça
va ?", "Sabbat ?" Tu piges ? »
Pour la version parlée, en revanche, le "sabbat"
s'est transformé en : « Tiens,
je déjeunais avec des types de chez NBC. Je dis
à un gars : "Heu, t'as déjà
mangé ?" Alors, l'autre là,
Tom Christie, |
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Tom
Christie, il me fait : "Tu viens pour le rab, hein
?" Pas "Pour le rabiot" ou "Pour le
rab", mais "rab, hein ?" Pas "Tu viens
pour le rab ?", mais "pour le rab, hein ?"
"Rab, hein ?" Tu piges ? "Rabbin"
! »
On notera au passage que, dans la version sous-titrée,
les "types de chez NBC" deviennent "ce
gars de chez NBC".
Plus loin dans le film, Diane Keaton commet un lapsus.
En anglais, elle dit Wife
(femme, épouse) au lieu de Life
(vie, existence). Dans la VF, le lapsus est transformé
en "Femme / Flamme".
Quant aux sous-titres, ils parlent de "Exigence
/ Existence" (49'55). |
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Encore
l'aseptisation ! |
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Avec
le DVD, quand on compare les sous-titrages et les versions
audio, on constate que les traducteurs font parfois
preuve de timidité. Ainsi dans l'édition
zone 2 de Das Boot (Wolfgang Petersen),
les allusions à la pétomanie du marin
Frenssen n'ont pas les honneurs du sous-titrage (17'20).
Quand Frenssen "pète", les sous-titres
nous parlent de "ses pieds qui puent", en
français, en anglais et en allemand. Il faut
mettre les sous-suédois
pour retrouver le verbe "péter" ("Frenssen
fiser").
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Cette
retenue à l'égard des vents impétueux
semblent très européenne du reste, car
l'édition zone 1 (avec sous-titrage québécois)
propose le verbe "péter" dans tous
les cas.
Dans
un autre registre, l'édition zone 2 de Persona
(Ingmar Bergman, 1966) a des pudeurs de jeune fille
devant répliques de Bibi Andersson. Comment ne
pas avoir les cheveux qui se dressent sur la tête
quand on lit "je vins" à la place de
"j'ai joui" ? Un peu plus loin, à 48'52,
on se demande où est passé
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est
passée la grossièreté à
base de "jävlar" (qu'on devrait pouvoir
traduire par un "espèce de salope"
ou quelque chose d'approchant) que balance la belle
infirmière à sa patiente enfermée
dans son mutisme. |
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retour |
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Au
cinéma, en passant d'une version originale à une version
traduite, on a parfois de drôles de surprises.
Mise
à jour : 17 janvier 2004
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