Fabas - 28 août 1763
vol de poissons par des étrangers à la paroisse
A Fabas, après midi, à l'issue des vêpres, au lieu où les assemblées de communauté ont coutume de se tenir, les sieurs Blaise Souville, Jean Dario, Blaize Dufaut, Pierre Adet, Jean Pierre Laporte, François St-Ignan, Alexis Dangla, Bernard Verdier, François Désirat, Jean Duclos, Bernard Desbarats, Baptiste Laurine, Jacques Nebout, Pierre Dader, Alexis Ducassé, Jean Salières, Bertrand Loubière, Simon Carrère, Joseph Mirepoix, François Cuigno, Jacques Courtiade, François Brumas, Jérome Dario, Marc Ferrère, Alexis Ané, Pierre Saves, Dominique Gardère, Jean Figaro, Jean Deprats, Désirat Ducassé et Paul Dader, soit la plus saine et principale partie des habitants de la paroisse, se réunissent devant Vincent Castres, juge ordinaire du lieu, les consuls Jean Vincent Courtiade (avocat au parlement) et François Sentignan, et le procureur juridictionnel Antoine Dario, représentant de la révérende dame Magdeleine de Boissière, abbesse de Fabas.

Ce dernier rappelle à l'assemblée que la communauté possède des fossés d'une largeur considérable qui jouxtent le terrain appelé « le patu » (au nord et au sud) et celui où se trouvent la place, l'église, le cimetière et le château ; que les habitants de Fabas ont toujours récuré le fossé qui borde le château avec soin pour disposer d'un réservoir en cas d'incendie et également d'un abreuvoir ; que huit ou neuf ans auparavant, un récurage avait été fait jusqu'à une profondeur de plus de 20 pans dans certains endroits et que les eaux pluviales avait rempli le tout. Or, il se trouve que les sieurs Souville et Loubière y avaient jeté des alvins de tanche sans rien dire à personne, que les poissons y avaient proliféré et que, à la suite de fortes pluies orageuses, on avait fini par s'apercevoir de leur présence. Très vite, le bruit s'était répandu que le fossé contenait des poissons d'une grosseur peu ordinaire et des gens extérieurs à la paroisse s'étaient mis en tête de s'en emparer.

Aux mois de juin et juillet derniers, ces individus s'étaient rendus de nuit au fossé, équipés d'un tramail*, et, avec la complicité d'enfants du village, y avaient dérobé une partie du poisson. Le consul Jean Vincent Courtiade avait alors proposé d'affermer les fossés pour que la communauté en profite, et, pour encourager les adjudicataires potentiels (jusque-là difficiles à trouver), on avait procédé le vendredi 29 juillet à une pêche publique en présence de Dom Ortolanci, directeur des dames de l'abbaye, du juge Vincent Castres, et des sieurs Jean Dario, Blaize Dufaut et autres. Un coup de filet avait permis de remonter 18 tanches pesant pour la plupart de 5 à 6 livres pièce et 3 livres pour la plus petite. Devant la beauté de ce poisson, on avait prié Dom Ortolanci d'en accepter quelques-uns et de les faire agréer par l'abbesse, et on avait distribué le reste aux autres habitants. Sur quoi, Jean Vincent Courtiade avait suggéré de procéder à l'adjudication du fossé et de commencer les enchères le dimanche suivant. Malheureusement, les individus étrangers qui étaient déjà venus piller le fossé étaient revenus le jour même, à la nuit tombée, pour finir leur besogne. Le sieur Courtiade, qui les guettait avec deux personnes, les avait surpris vers minuit alors qu'ils encourageaient des enfants du village à frapper l'eau avec des bouilles** pour rabattre le poisson dans un tramail que d'autres traînaient d'un bout à l'autre de la pièce d'eau. Il avait tenté de les arrêter, mais le nombre des opposants étant trop important, il avait dû reculer et s'en aller chercher main-forte. A son retour, bien sûr, les malfaiteurs avaient disparu. Mais c'était sans compter sur leur opiniâtreté car, le lendemain, les mêmes individus avaient encouragé deux enfants de Fabas à retourner sur les lieux et à y pêcher publiquement. Vers l'heure de midi, ces derniers étaient allés au fossé, y avaient traîné leur filet dans l'eau à plusieurs reprises et avaient proféré des propos indécents contre l'autorité du juge et des consuls tout en se montrant irrespectueux vis-à-vis de l'abbesse et des dames religieuses de l'abbaye.

Considérant : 1) que ces actes visant à s'approprier un bien qui ne leur appartenait pas ont été commis pour la plupart furtivement, à des heures nocturnes, ce qui leur donne le caractère d'un véritable larcin, 2) que les enfants ont, dans un esprit d'émeute, contrevenu à l'article 170 de l'ordonnance de 1669 qui défend à tout particulier de pêcher dans les étangs, fosses et pêcheries communes sous peine de 30 livres d'amende et deux mois de prison pour la première fois, et de 100 livres d'amende et du bannissement de la paroisse en cas de récidive ; le procureur a prié l'assemblée de délibérer sur ce qu'il convenait de faire. Après délibération, l'assemblée a convenu : 1) que le projet d'adjudication des fossés est approuvé, 2) que la pêche publique du 29 juillet et la distribution du poisson qui a suivi étaient légitimes, 3) qu'un terme devait être mis aux méfaits exposés précédemment et qu'un exemple devait être fait. En conséquence de quoi, il est décidé de porter plainte contre les « auteurs » et les « fauteurs » de troubles. Le consul Jean Vincent Courtiade est nommé syndic et les pleins pouvoirs lui sont donnés pour porter l'affaire devant la justice. Il devra également aller trouver l'intendant pour faire autoriser la présente délibération et obtenir les fonds nécessaires au procès (car la communauté n'a pas de moyens suffisants pour se passer de cette aide).

Fait, lu et récité en présence des sieurs Antoine Lamote dit Beler, résidant à Montoussin, officier dans un régiment de dragons, Jean-Baptiste Darné, habitant de Labarte de Mestas et résidant en dernier lieu à St-Pé-d'Arès, qui ont signé avec le notaire, le juge Vincent Castres, le procureur Antoine Dario, le consul Jean Vincent Courtiade, et les sieurs Souville, Dario, Dufaut, Désirat, Adet, Ducassé, Desbarat, Duclos, Laurine, Loubière. Les autres ont déclaré ne savoir signer.
(ADHG 3E 23918 acte n°15 - Cabestaing)

* Ou « trémail », grand filet formé de trois nappes superposées.
** Longues perches.

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