Castelgaillard - 9 décembre 1764
refus de payer la dîme par certains villageois
A Castelgaillard, vers les deux heures de l'après-midi, à l'endroit où les assemblées se tiennent habituellement, sont réunis en conseil général : Gabriel Laferrière, second consul*, Jean Mathieu, Bertrand Dupin, Pierre Dufaur, Jean Marie Caraué, Jean Guchens, Bertrand Fourcade, Guillaume Trenque, messire Jean Paul Dorbessan, Louis Joseph de Lamothe (prêtre), monsieur Antoine Contant, Bernard Gilibert, Joseph S..., François Bays, Denis Ducassé, Bertrand Dauriac, Raymond Saracauve, Guillaume Denflous, Laurent Carrère, Bertrand Esclassan, George Dario, tous habitants et bientenants du village.

Il est dit par le second consul qu'il y a environ deux mois, deux ou trois particuliers de la paroisse que le curé avait mécontentés tentaient de se venger en lui cherchant querelle sur la perception de la dîme et celle des carnelages** en particulier. Ils ont usé de tous les tours imaginables pour convaincre les habitants qu'ils payaient la dîme injustement, que ce prélèvement avait été introduit abusivement dans la paroisse, qu'ils pouvaient bien s'en affranchir, que ce n'était pas parce que quelques individus s'en étaient acquittés régulièrement que la communauté toute entière devait s'y plier. Ils ont aussi déclaré que le curé, se prévalant de la faiblesse de ses ouailles, s'efforçait chaque année d'étendre ses droits sur les carnelages et que son avidité allait jusqu'à exiger la dîme sur les jeunes plantes, avant le temps fixé par les règlements des cours supérieures du royaume. Très vite, l'idée d'intenter un procès au prêtre a germé dans quelques esprits (sans réfléchir aux inconvénients fâcheux qui sont toujours le fait de telles initiatives) et, le 23 novembre, les paroissiens frondeurs ont fait une assemblée au terme de laquelle ils ont déclaré : 1) qu'ils s'opposaient à la dîme, 2) qu'ils prenaient fait et cause pour un des leurs que le curé avait assigné devant M. le sénéchal de Toulouse, toujours à propos de la dîme.

Gabriel Laferrière déclare que la réunion du 23 novembre est totalement vicieuse pour les raisons suivantes : 1) la parole représentative a été portée par le 1er consul de Mauvezin-Savès qui n'a rien à voir dans cette histoire, 2) les quatre ou cinq délibérants représentaient une somme taillable n'excédant pas 68 livres 17 sols, 3) tous les autres participants ont été pris dans la masse des locataires et des bordiers***. Il ajoute que le procès intenté au curé n'est que pure tracasserie, que depuis des temps immémoriaux la communauté paye la dîme des carnelages sans interruption et qu'aucun des villageois présents ne l'a jamais refusée. Pour lui, il y a de l'impudence dans ce litige et il risque d'exposer le village à des frais considérables (dans leur délibération du 23 novembre, les contestataires ont, en prétendant représenter la majeure et plus saine partie de Castelgaillard, clairement manifesté leur volonté d'entraîner tout le monde avec eux). Si les mécontents veulent se risquer à un procès, grand bien leur fasse, mais que ce soit à leurs frais. Sur quoi il demande à l'assemblée de délibérer. Après le vote, il est déclaré d'une voix unanime : 1) que le village continuera de payer la dîme, 2) qu'on s'opposera à tous les points portés par la délibération du 23 novembre, 3) que toute demande d'imposition extraordinaire déposée devant M. l'intendant par les contestataires sera refusée****, 4) que si la communauté doit aller devant les tribunaux, elle sera représentée par Bernard Gilibert qui est nommé syndic avec les pleins pouvoirs.

Fait et lu en présence de maître Bonaventure Narbone, résidant à Joncet dans la paroisse de Mauvezin-Savès, et du sieur André Izart, habitant d'Agassac, qui signent avec les sieurs Dorbessan, Lamothe, Contant, Guchens, Gilibert, Carrère et le notaire.
(ADHG 3E 25705 f°175-176 - Daran)

**** Il semble que le 1er consul soit dans le camp des frondeurs (cf. document du 15 septembre 1765).
**** Ou "Charnage", dîme sur les animaux. Dans le Berry, elle concernait les agneaux (1 sur 13).
**** Métayers.
**** Une demande d'imposition certainement présentée dans le but de faire face aux frais de l'action judiciaire. Ainsi, tous les habitants du village y seraient de leur poche.

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