A
Castelgaillard, vers les deux heures de l'après-midi,
à l'endroit où les assemblées
se tiennent habituellement, sont réunis en
conseil général : Gabriel Laferrière,
second consul*, Jean Mathieu, Bertrand Dupin, Pierre
Dufaur, Jean Marie Caraué, Jean Guchens, Bertrand
Fourcade, Guillaume Trenque, messire Jean Paul Dorbessan,
Louis Joseph de Lamothe (prêtre), monsieur Antoine
Contant, Bernard Gilibert, Joseph S..., François
Bays, Denis Ducassé, Bertrand Dauriac, Raymond
Saracauve, Guillaume Denflous, Laurent Carrère,
Bertrand Esclassan, George Dario, tous habitants et
bientenants du village.
Il
est dit par le second consul qu'il y a environ deux
mois, deux ou trois particuliers de la paroisse que
le curé avait mécontentés tentaient
de se venger en lui cherchant querelle sur la perception
de la dîme et celle des carnelages** en particulier.
Ils ont usé de tous les tours imaginables pour
convaincre les habitants qu'ils payaient la dîme
injustement, que ce prélèvement avait
été introduit abusivement dans la paroisse,
qu'ils pouvaient bien s'en affranchir, que ce n'était
pas parce que quelques individus s'en étaient
acquittés régulièrement que la
communauté toute entière devait s'y
plier. Ils ont aussi déclaré que le
curé, se prévalant de la faiblesse de
ses ouailles, s'efforçait chaque année
d'étendre ses droits sur les carnelages et
que son avidité allait jusqu'à exiger
la dîme sur les jeunes plantes, avant le temps
fixé par les règlements des cours supérieures
du royaume. Très vite, l'idée d'intenter
un procès au prêtre a germé dans
quelques esprits (sans réfléchir aux
inconvénients fâcheux qui sont toujours
le fait de telles initiatives) et, le 23 novembre,
les paroissiens frondeurs ont fait une assemblée
au terme de laquelle ils ont déclaré
: 1) qu'ils s'opposaient
à la dîme, 2)
qu'ils prenaient fait et cause pour un des leurs que
le curé avait assigné devant M. le sénéchal
de Toulouse, toujours à propos de la dîme.
Gabriel
Laferrière déclare que la réunion
du 23 novembre est totalement vicieuse pour les raisons
suivantes : 1) la parole
représentative a été portée
par le 1er consul de Mauvezin-Savès qui n'a
rien à voir dans cette histoire, 2)
les quatre ou cinq délibérants représentaient
une somme taillable n'excédant pas 68 livres
17 sols, 3) tous les
autres participants ont été pris dans
la masse des locataires et des bordiers***. Il ajoute
que le procès intenté au curé
n'est que pure tracasserie, que depuis des temps immémoriaux
la communauté paye la dîme des carnelages
sans interruption et qu'aucun des villageois présents
ne l'a jamais refusée. Pour lui, il y a de
l'impudence dans ce litige et il risque d'exposer
le village à des frais considérables
(dans leur délibération du 23 novembre,
les contestataires ont, en prétendant représenter
la majeure et plus saine partie de Castelgaillard,
clairement manifesté leur volonté d'entraîner
tout le monde avec eux). Si les mécontents
veulent se risquer à un procès, grand
bien leur fasse, mais que ce soit à leurs frais.
Sur quoi il demande à l'assemblée de
délibérer. Après le vote, il
est déclaré d'une voix unanime : 1)
que le village continuera de payer la dîme,
2) qu'on s'opposera à
tous les points portés par la délibération
du 23 novembre, 3) que
toute demande d'imposition extraordinaire déposée
devant M. l'intendant par les contestataires sera
refusée****, 4)
que si la communauté doit aller devant les
tribunaux, elle sera représentée par
Bernard Gilibert qui est nommé syndic avec
les pleins pouvoirs.
Fait
et lu en présence de maître Bonaventure
Narbone, résidant à Joncet dans la paroisse
de Mauvezin-Savès, et du sieur André
Izart, habitant d'Agassac, qui signent avec les sieurs
Dorbessan, Lamothe, Contant, Guchens, Gilibert, Carrère
et le notaire.