Fours crématoires
Je me rappelle le gazage de neuf cents prisonniers russes [...] Les Russes ont dû se déshabiller dans l'antichambre, puis ils sont entrés tranquillement dans la morgue : on leur avait dit en effet qu'on allait les épouiller. La totalité du convoi a pu entrer dans la morgue.

On a fermé les portes et jeté le gaz par les ouvertures. Je ne sais pas combien de temps il a fallu pour les tuer. On a entendu d'abord pendant quelque temps un bruit de conversations. Puis, quand on a jeté le gaz, il y eut des hurlements et une bousculade vers les deux portes. Mais celles-ci ont résisté à la poussée...

... C'est seulement en 1943 que furent terminées les nouvelles installations des crématoires. Jusque-là, il fallait gazer les détenus dans des chambres à gaz provisoires, et brûler les cadavres dans des fosses [...] Avant la crémation, on enlevait les dents en or et les anneaux. On alternait des couches de cadavres avec des couches de bois et, lorsqu'un bûcher d'environ cent cadavres avait été constitué, on mettait le feu au bois avec des chiffons imbibés de pétrole. Quand la crémation était bien lancée, on jetait dans le foyer les autres cadavres [...] La durée de la crémation était de six à sept heures. Par vent d'ouest, la puanteur des corps brûlés se faisait sentir dans le camp lui-même. Lors du nettoyage des fosses, on écrasait les cendres. Cela se passait sur une plaque de ciment où des détenus pulvérisaient le reste des ossements avec des rouleaux de bois. Puis les cendres, transportées par un camion, étaient jetées dans la Vistule à un endroit écarté...

... Nous devions effectuer l'extermination de manière secrète. Mais la crémation continue des cadavres dégageait une odeur infecte, qui provoquait des nausées. Elle régnait dans tout le voisinage, et tous les gens qui vivaient dans les communes d'alentour savaient bien qu'on procédait à Auschwitz à des exterminations...

... Les deux grands crématorium I et II ont été construits au cours de l'hiver 1942-1943 et mis en exploitation au printemps 1943. Ils avaient chacun cinq fours à trois creusets et pouvaient incinérer en vingt-quatre heures environ deux mille cadavres [...] Ils comportaient au sous-sol des pièces de déshabillage et de gazage [...] Les cadavres étaient montés par un ascenseur jusqu'aux fours qui se trouvaient au-dessus [...] D'après les estimations du constructeur, la firme Topf, d'Erfurt, les deux crématoires plus petits, IV et V, pouvaient incinérer chacun mille cinq cents cadavres en vingt-quatre heures...
(Témoignage de Rudolf Höss, commandant du camp d'Auschwitz. Cité par Eugen Kogon, Hermann Langbein, Adalbert Rückerl, Les chambres à gaz, secret d'État, Paris 1984 - traduction de Henry Rollet, éditions du Seuil)

Avertissement : texte cité à titre documentaire, il n'est pas ici question de faire l'apologie du crime.