1794,
François Spie (originaire
d'Armentières, fils de Jacques Spy et de Philippine
Thévelin) demeure à Wazemmes, au faubourg
de Béthune. Il est marchand échopier.
Il améliore ses fins de mois en blanchissant
du fil pour le compte du citoyen Pencelle. Il tient
l'auberge avec sa femme et une servante de 13 ans,
Catherine Duriez. Ses rapports avec
sa femme se sont détériorés :
il lui reproche de boire et pense à divorcer.
Dans la nuit du 21 septembre, il traverse la Haute-Deule
au moyen d'une barque et vole du linge mis à
sécher par Pierre Durot Clément,
blanchisseur et manufacturier à Lille, avec
trois complices (un homme d'origine gasconne ou auvergnate
répondant au nom de Thadé ou
Cadet ; Jean-François Joseph
Verbal, marchand de tabac de Dunkerque ;
François Gazelot, ancien caporal
au régiment de Brie surnommé Lagloire
et reconverti en scieur de long). Dans la nuit du
23 septembre, la même équipe entre par
effraction dans l'arrière-cour de François
Lemaire, blanchisseur à Wazemmes. Les quatre
hommes dérobent plus de la moitié du
linge qui y sèche. A ce moment, le butin se
monte à plus de 360 pièces, dont 29
chemises de femme, 58 chemises d'hommes, 17 chemises
d'enfant, 10 draps, 26 bas, 10 bonnets et une centaine
de mouchoirs.
Le lendemain, Jean-François Verbal et François
Gazelot vont prendre un verre chez Jean-Baptiste Carette,
cabaretier à
Esquerme. Ils lui demandent d'aller chez François
Spie pour acheter une livre de jambon, pour lui demander
si quelqu'un ne lui a pas apporté un sabre
laissé le jour précédent au faubourg
des Malades et pour savoir s'il a bien remis à
la diligence les caisses de sucre que Verbal lui a
achetées. En voyant Carette, François
Spie se méfie d'abord, prétend ne pas
comprendre de quoi il s'agit, puis, s'étant
assuré de l'identité des deux hommes,
il charge le cabaretier d'une commission : que Verbal
vienne dans l'après-midi, pour boire une canette,
entre temps sa servante brouettera le sucre à
la diligence. Vers midi, François Spie se rend
chez Jean-Baptiste Carette et demande
si les deux clients sont toujours là. L'aubergiste
le conduit à eux. François tire la porte
sur lui. Les trois hommes sortent au bout de trois
minutes. Lagloire reste un instant en arrière
et demande à régler les consommations.
On lui répond qu'il y en a pour six livres
dix sols. Il paie avec deux assignats : un de cinq
livres et un de cinquante sols, puis se retire sans
attendre la monnaie. L'aubergiste l'interpelle et
lui dit :
— Attendez un instant... il vous revient vingt
sols !
Mais Lagloire répond :
— C'est bon, c'est bon, nous allons faire un
tour et nous reviendrons tantôt.
Vers une heure de l'après-midi, le maire de
Wazemmes et plusieurs officiers municipaux se rendent
chez François Spie pour procéder à
une perquisition car la « rumeur publique »
accuse le cabaretier d'avoir participé aux
vols de linge commis les nuits précédentes.
En voyant les hommes monter à l'étage,
le suspect prend la fuite. Il se rend d'abord au village
d'Esquerme. Là, il retrouve ses complices dans
un cabaret. Il leur reproche de l'avoir mis dans de
beaux draps. Jean-François Verbal lui propose
de les suivre en précisant que tant qu'ils
auront du pain, ils le partageront. Ils prennent la
route de Dunkerque et s'arrêtent à l'auberge
de Capinghem vers quatre heures et demie / cinq heures.
Ils y sont surpris le lendemain matin, dans une chambre,
dormant tout habillés. En descendant l'escalier,
François s'évade en sautant par une
fenêtre. Il finit par être capturé
par quatre citoyens à l'auberge du Pont-de-France,
au faubourg de Dunkerque. Il est remis au chef du
poste de la Grappe-de-Raisin qui le conduit devant
le juge le 27 septembre vers six heures du matin.
Le
7 novembre, après un mois d'interrogatoire,
François Spie, Jean-François Verbal
et François Gazelot sont condamnés à
six années d'emprisonnement. Avant d'être
incarcérés, ils sont conduits sur la
place publique de la ville de Lille, sont attachés
à un poteau placé sur un échafaud
et y sont laissés exposés aux regards
du peuple pendant six heures avec, au-dessus de leurs
têtes, un écriteau sur lequel ont été
inscrits en gros caractères leurs noms, leurs
professions, leurs domiciles, la cause de leur condamnation
et le jugement rendu contre eux. Le 10 décembre,
François Spie meurt à l'hôpital
du "Séminaire brûlé"
de Douai, à l'âge de 38 ans.