Mardi
15 novembre 1915, 2e jour de tranchées, 9 heures
du matin.
Ma chère petite femme et mes chers enfants,
J'ai reçu hier soir ta carte du 13. Je suis
heureux de vous savoir tous
en bonne santé. De mon côté, il
en est de même. Rien de nouveau.
Jusqu'ici le secteur est très calme. Je crois
que les Boches sont comme
nous. Ils doivent avoir froid aux mains et aux pieds.
La nuit a été
un peu moins froide. Brouillard jusqu'à minuit
et de la neige fine
jusqu'à 6 heures ce matin. Les tranchées
sont blanches, mais ce n'est
rien. Un rayon de soleil suffit pour la faire fondre,
mais je ne crois
pas que Mahomet se montrera aujourd'hui. Je t'assure,
ma chère femme,
que l'on n'est pas trop heureux en ce moment ; enfin,
espérons. J'attends
aujourd'hui une longue lettre ; ça ranime un
peu. Embrasse toute la
petite famille pour moi. Bonjour à Anaïs,
aux enfants et aux amis.
Je te quitte, ma petite femme, et je t'envoie des
tranchées d'Agny mon
meilleur baiser. Ton Emile.