6 juillet 1915 : Gabrielle écrit à Emile
Montrouge, 6 juillet [1915]

Mon cher petit homme,
Hier à 4 heures, j'ai reçu ta lettre
du 31 juin, et ce matin, celle du 1er juillet.
A la bonne heure, celle-là était
longue. Je suis contente quand je reçois
une longue lettre de toi. Au moment
que je t'écris, tu dois être dans les
tranchées puisque tu es retourné au[x] tranchées
lundi. Toute la petite famille est en
bonne santé et assez sage. Hier soir,
ils ont étaient au cinéma. Nous avons
vu nos poilus après 305 jours de guerre.
Nous avons vu leurs concerts improvisé[s],
leur baraquement, toute la vie du front.
Nous en avons vu un, aussi, en train
de faire des bagues porte-bonheur. Les
gosses se sont bien amuser. Moi, j'ai
ouvert bien grand mes yeux pour voir
si je te voyais, mais j'ai étais déçue,
je n'ai pas vu mon cher Emile.
R... était aussi au cinéma avec sa
dame et d'autres personnes. Je ne lui ai
pas causer car il était en compagnie.
Tu verrais les yeux que la Denisette
ouvre au cinéma. Je t'assure, elle ne
pense pas à dormir, elle aime le
cinéma ; c'est vrai qu'elle a de qui
tenir pour cela.
J'ai reçu une carte d'Anaïs hier.
Elle a trouver Fernand. Elle loge chez
des particuliers. Je crois qu'elle va
profiter pendant qu'elle y est pour
prendre de larges vacances.
Mme Jeanne est toujours à Montrouge.
Il y a bien un mois qu'elle a était
avisée officiellement que son mari a
était tué. Mme Leure n'a toujours pas
de nouvelles de son mari. Il y a un
monsieur des pompe[s] funèbre[s] qui s'occupe
pour M. Leure. On lui a répondu qu'il
n'était pas dans les prisonniers, que
maintenant, on avait le nom de tout
les prisonniers. Il n'est pas non plus
dans les morts. Il est disparu depuis
le combat. Impossible de savoir ce qu'il
est devenu. Moi, je crois qu'il doit
être rester dans un trou sur le champ
de bataille. Par ici, depuis quelques
jours, il fait quelque chose comme
plat de chaleur. Je t'enverrais le
petit billet bleu demain, car aujourd'hui
je veux aller dans Paris pour t'acheter [et]
pour t'envoyer un paquet. Je t'envoie
un million de doux baisers. Ta
petite femme chérie. Gabrielle

Les enfants t'embrassent bien fort à pincette.
texte écrit sur deux cartes adressées à Emile O*** — restitué en ligne à ligne (orthographe respectée)