Celtes
/ Gaulois : sources narratives |
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Alésia
Vercingétorix
s'enferme dans Alésia
Voyant toute sa cavalerie en déroute, Vercingétorix,
qui avait rangé ses troupes en avant de son camp, les
fit battre en retraite, et prit aussitôt le chemin d'Alésia,
place des Mandubiens ; il donna l'ordre de faire sortir rapidement
les bagages du camp et de les acheminer à sa suite (1).
César fit conduire ses bagages sur la colline la plus
proche, sous la garde de deux légions, poursuivit l'ennemi
aussi longtemps que la durée du jour le permit, et lui
tua environ trois mille hommes de l'arrière-garde ; le
lendemain, il campa devant Alésia. S'étant rendu
compte de la situation de la ville, et voyant l'ennemi terrifié
parce que sa cavalerie [...] avait été battue,
il exhorta ses soldats au travail et se mit à encercler
l'endroit [...]
Les travaux étaient commencés quand un combat
de cavalerie est livré dans la plaine [...] L'acharnement
est extrême de part et d'autre. César envoie les
Germains secourir les nôtres qui fléchissent, et
range ses légions en bataille devant le camp pour empêcher
toute tentative soudaine de l'infanterie ennemie. Le renfort
des légions encourage les nôtres ; les ennemis
prennent la fuite, s'embarrassent eux-mêmes par leur nombre
(2) et piétinent aux portes trop étroites. Les
Germains les poursuivent alors avec vigueur jusqu'à leurs
fortifications ; un grand massacre a lieu. Certains, abandonnant
leurs chevaux, essaient de traverser le fossé et de franchir
la muraille [...] Vercingétorix fait fermer les portes
pour éviter que le camp ne soit abandonné. Après
avoir tué beaucoup d'ennemis et pris un très grand
nombre de chevaux, les Germains se retirent.
Vercingétorix se décide à renvoyer toute
sa cavalerie pendant la nuit, avant que les Romains achèvent
leurs fortifications. Au départ de ses cavaliers, il
leur donne mission d'aller chacun dans son pays et d'y réunir
pour la guerre tous ceux qui sont en âge de porter les
armes [...] Après ces instructions [...] il se fait apporter
tout le blé ; il décrète la peine de mort
contre ceux qui n'obéiront pas ; il distribue entre chaque
homme le bétail dont les Mandubiens avaient amené
une grande quantité ; il décide de mesurer le
blé parcimonieusement et de ne le donner que peu à
peu [...] |
1.
Après son départ, il ordonne qu'on apporte
rapidement le matériel de son armée à
Alésia.
2. Ils se sauvent et comme ils sont très nombreux,
c'est la bousculade.
(Jules César, La guerre des
Gaules, Livre septième, chapitres LXVIII à
LXXI, traduction de Maurice Rat) |
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L'armée
de secours
Les Gaulois avaient mêlé à leurs cavaliers
de petits paquets d'archers et de fantassins armés à
la légère, pour secourir les leurs [...] Plusieurs
des nôtres, blessés par eux à l'improviste,
se retiraient du combat. Forts de la supériorité
de leurs troupes et voyant les nôtres accablés
par le nombre, les Gaulois [...] encourageaient leurs combattants
par des clameurs et des hurlements. [Mais au coucher du soleil]
les Germains, massés sur un seul point en escadrons (1)
serrés chargèrent l'ennemi et le refoulèrent
; dans la déroute, les archers furent encerclés
et massacrés [...]
Au bout d'un jour seulement, les Gaulois [...] sortent de leur
camp au milieu de la nuit, en silence, et s'approchent de nos
fortifications de la plaine. Soudain, poussant une clameur,
pour avertir les assiégés de leur approche, ils
se préparent à jeter leurs claies (2), à
bousculer les nôtres de leur retranchement à coups
de frondes, de flèches et de pieux [...] En même
temps, entendant la clameur, Vercingétorix donne le signal
aux siens avec la trompette et les conduits hors d'Alésia.
Les nôtres prennent la position qu'on leur avait donnée
les jours précédents, et, avec les frondes, les
casse-tête et les épieux qu'ils avaient disposés
sur le retranchement, ils effraient les Gaulois et les repoussent.
La nuit empêchant de voir devant soi, il y a de chaque
côté de nombreux blessés [...]
[Lorsque les Gaulois] se furent approchés, ils s'enfoncèrent
dans les pièges ou s'empalèrent en tombant dans
les puits, ou tombèrent percés par les javelots
(3) de siège qu'on leur lançait du haut du retranchement
ou des tours. Après avoir été durement
éprouvés sur tous les points, sans avoir pu rompre
nos lignes, voyant le jour approcher, ils craignirent d'être
attaqués de côté [...] et ils se replièrent. |
1.
Groupes de cavaliers.
2. Panneaux faits de branchages pour boucher les trous creusés
par les Romains.
3. Lancés par des machines.
(Jules César, La guerre des
Gaules, Livre septième, chapitres LXXX à LXXXII,
traduction de Maurice Rat) |
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Les
derniers combats
Vercingétorix, apercevant les siens du haut de la citadelle
d'Alésia, sort de la place ; il fait porter en avant
du camp les fascines (1), les perches, les toits de protection
(2), les faux et tout ce qu'il avait préparé pour
la sortie. Un vif combat s'engage en même temps de tous
côtés [et] la clameur qui s'élève
[...] contribue beaucoup à effrayer les nôtres,
[car] souvent, en général, le danger qu'on ne
voit pas est celui qui bouleverse le plus.
César, qui a choisi un poste d'observation favorable,
suit ce qui se passe de chaque endroit, envoie des secours aux
troupes qui faiblissent. [...] [Les Gaulois] nous lancent des
traits, [certains] s'approchent en faisant la tortue (3), des
troupes fraîches relèvent sans cesse les soldats
fatigués. La terre que tous les ennemis jettent dans
nos retranchements leur permet de les franchir et recouvre les
pièges que nous avions dissimulés dans le sol
[...]
Quand il l'apprend, César envoie Labiénus avec
six cohortes au secours des troupes en danger [...] Il va lui
même encourager les autres [...] Les assiégés,
désespérant de forcer les retranchements de la
plaine [...] tentent d'escalader les hauteurs ; ils y portent
tout ce qu'ils avaient préparé ; ils chassent
par une pluie de traits ceux qui combattaient du haut des tours
; ils rebouchent les fossés avec de la terre et des branchages
; avec les faux ils taillent en morceaux la palissade et le
parapet.
[César envoie alors] le jeune Brutus avec six cohortes,
puis le lieutenant Caïus Fabius avec sept autres ; enfin,
l'action devenue plus vive, il amène lui-même un
renfort de troupes fraîches [...]
Une clameur s'élève de part et d'autre [...] Nos
soldats renonçant au javelot, combattent avec le glaive.
Tout à coup, notre cavalerie se montre sur les arrières
de l'ennemi [...] les Gaulois prennent la fuite ; nos cavaliers
leur coupent la retraite ; le carnage est grand. Sédulius,
chef et premier citoyen des Lémovices, est tué
; l'Arverne Vercassivellaune est pris vivant en train de fuir
; soixante-quatorze enseignes militaires sont rapportées
à César ; d'un si grand nombre d'hommes bien peu
rentrent au camp sans blessures. Apercevant de leur place forte
le massacre et la fuite de leurs compatriotes, perdant tout
espoir de se sauver, les assiégés font rentrer
les troupes qui attaquaient nos retranchements. A cette nouvelle,
les Gaulois (4) s'enfuient aussitôt de leur camp. Si nos
soldats n'avaient pas été aussi épuisés
[...] toutes les forces de l'ennemi auraient pu être détruites.
Un peu après minuit, la cavalerie lancée à
leur poursuite atteint l'arrière-garde ; une grande partie
est prise ou massacrée ; les autres, ayant réussi
à fuir, se dispersent et rentrent chez eux. |
1.
Branches attachées en fagots pour boucher les trous
creusés par les Romains.
2. Grands panneaux de bois pour se protéger des flèches.
3. Ils montent à l'attaque en rangs serrés
et en se cachant sous leurs boucliers.
4. Les soldats de l'armée de secours venue libérer
Alésia. Ils abandonnent leur camp et se sauvent.
(Jules César, La guerre des
Gaules, Livre septième, chapitres LXXXIV à
LXXXVIII, traduction de Maurice Rat) |
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Alimentation
Presque tous les Gaulois couchent sur la dure et prennent leur
repas assis sur la paille. Ils se nourrissent de lait, de viandes
diverses, mais surtout de porc, frais ou salé...
(Strabon)
On étend du foin et l'on sert sur des tables de bois
peu élevées au-dessus du sol. Pour nourriture,
des pains en petit nombre et beaucoup de viande bouillies et
rôties sur des charbons ou à la broche. On porte
ces mets à la bouche proprement, mais à la manière
des lions, en prenant à deux mains des membres entiers
et en mordant à même... On mange aussi du poisson
chez les riverains des fleuves et des deux mers... L'huile n'est
pas en usage : elle est rare et, faute d'habitude, on la trouve
désagréable. Ceux qui servent font circuler la
boisson dans des vases de terre ou d'argent ; les plats sont
du même genre, quelques-uns en cuivre ou en bois ou en
osier tressé. Les riches boivent du vin d'Italie ou de
Marseille, pur... Chez les autres, c'est la bière de
froment préparée avec du miel ; le peuple boit
la bière toute simple.
(Posidonius)
Gergovie
Nos soldats, au signal donné, parviennent vite à
la fortification, la franchissent et se rendent maîtres
de trois camps. Leur rapidité dans la prise des camps
fut si grande que Teutomate, roi des Nitiobriges, surpris dans
sa tente où il faisait la sieste, s'enfuit la poitrine
nue, que son cheval fut blessé et qu'il échappa
difficilement aux soldats qui faisaient leur butin (1).
César, ayant atteint le but qu'il s'était proposé,
ordonna de sonner la retraite [et fit faire halte à la
dixième légion, mais] les soldats des autres légions
n'entendirent pas le signal de la trompette, car ils étaient
séparés par une vallée assez grande, [et,]
exaltés par l'espoir d'une victoire rapide, par la fuite
de l'ennemi et par leurs succès précédents,
[...] ils ne cessèrent leur poursuite qu'à l'approche
du rempart et des portes de la ville. [...] Lucius Fabius, centurion
(2) de la huitième légion, [...] prit trois de
ses soldats, se fit hisser par eux et monta sur le mur, puis,
les tirant à lui, un à un, il les fit monter sur
le mur [...]
Cependant, ceux des Gaulois qui s'étaient rassemblés
de l'autre côté de la place forte [...] pour y
faire des travaux de défense [...] envoyèrent
les cavaliers en avant et s'y portèrent eux-mêmes
au pas de course. A mesure qu'ils arrivaient, ils s'arrêtaient
au pied du mur et augmentaient le nombre des combattants. [Les
Romains durent alors soutenir] une lutte qui n'était
égale ni par la position ni par le nombre ; en outre,
épuisés par leur course et la durée du
combat, ils ne purent pas tenir tête facilement à
des troupes fraîches et intactes [...]
Tandis qu'un corps à corps acharné s'engageait
[...] on vit tout à coup paraître sur notre flanc
découvert, les Éduens (3) que César avait
envoyés sur la droite, par une autre montée, pour
faire diversion. La ressemblance de leurs armes avec celles
de l'ennemi épouvanta les nôtres ; et quoiqu'ils
eussent l'épaule droite découverte, ce qui était
le signe de reconnaissance, nos soldats crurent que c'était
une ruse employée par les ennemis pour les tromper [...]
Les nôtres, attaqués de toutes parts, furent chassés
de leur position, après avoir perdu quarante-six centurions.
Mais la dixième légion retarda les Gaulois trop
ardents à les poursuivre [...] Les légions, dès
qu'elles eurent gagné la plaine, s'arrêtèrent
et firent face à l'ennemi. Vercingétorix ramena
ses troupes du pied de la colline à l'intérieur
des retranchements. Cette journée nous coûta un
peu moins de sept cents hommes. |
1.
Les soldats qui pillaient son camp.
2. Commandant d'une centurie. Une légion romaine
(environ 5.000 soldats) était divisée en
10 cohortes. Chaque cohorte était divisée
en 3 manipules et chaque manipule en 2 centuries. Dans
une légion il y avait 30 manipules et 59 centuries
(et non pas 60 parce que la première cohorte n'avait
que 5 centuries au lieu de 6).
3. Peuple celte allié des Romains.
(Jules César, La guerre des Gaules, Livre septième,
chapitres XLVI à LI, traduction de Maurice Rat) |
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Révolte
des Éduens
Noviodunum était une place des Éduens située
sur les bords de la Loire, dans une position avantageuse. César
y avait rassemblé tous les otages de la Gaule, du blé,
de l'argent [...], une grande partie de ses bagages (1) et de
ceux de l'armée ; il y avait envoyé un grand nombre
de chevaux achetés en Italie et en Espagne en vue de
la guerre actuelle. Arrivés dans cette place, Éporédorix
et Viridomare (2) prirent connaissance de l'état du pays.
Ils surent [...] qu'on avait envoyé officiellement des
députés à Vercingétorix pour conclure
avec lui un traité de paix et d'alliance, et ils estimèrent
qu'il ne fallait pas laisser échapper une occasion aussi
favorable. Ils massacrèrent donc les gardes laissés
à Noviodunum, ainsi que tous les marchands qui s'y trouvaient,
et partagèrent entre eux l'argent et les chevaux [...]
Ils brûlèrent la ville, ne se croyant pas en état
de la garder, afin qu'elle ne put servir aux Romains ; ils emportèrent
sur des bateaux tout le blé qu'ils purent charger [...]
et jetèrent le reste dans la rivière ou dans le
feu ; ils levèrent eux-mêmes des troupes dans les
régions voisines, placèrent des garnisons et des
forts aux bords de la Loire, et envoyèrent en tous lieux
leur cavalerie pour semer la terreur, dans l'espoir de couper
les vivres aux Romains et de les forcer par la famine à
évacuer le pays [...] |
1.
Ses affaires personnelles et le matériel de son armée.
2. Des chefs Éduens. Ils seront deux des quatre chefs
celtes mis à la tête de l'armée de secours
d'Alésia.
(Jules César, La guerre des
Gaules, Livre septième, chapitre LV, traduction de
Maurice Rat) |
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Mise
à jour : 18 janvier 2004
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