Le
pour et le contre : A Reykjavik, Grímur
Hermundsson mène une vie solitaire dans un appartement
à la sévérité monacale. Il
traîne son regard mélancolique sur les choses
avec, dans la tête, des images étranges,
violentes, qui reviennent et reviennent... Un jour, il
décide de s'inscrire à l'école de
dessin. Au terme de la première séance,
son professeur est particulièrement troublée
par les motifs nés de son fusain. Quel secret se
cache derrière ses yeux tristes ?...
Il s'agit bien sûr d'un nouveau "Qui suis-je,
où vais-je, dans quel état j'erre ?",
mais à la sauce islandaise. Vous avez d'abord le
cadre, les paysages (qui font bien rêver si l'on
est amateur de régions boréales), et puis
les petites particularités scénaristiques
qui en font une histoire "bien de là-bas".
De fait, il y a un petit côté "saga
islandaise" dans l'histoire de son personnage principal.
Un personnage qui, enfant, nous est montré comme
différent, avec la faculté de voir des choses
que les autres ne voient pas. Tout comme certains individus
étranges de la vieille littérature islandaise,
il est à la fois framsýn (il voit
"en avant", il peut prédir l'avenir)
et ófreskr (doué de "seconde
vue"). Il est comme la vieille Álfrún
qui, elle aussi, voit des choses que les autres ne voient
pas, qui sent les forces invisibles, des forces qui hantent
aussi bien les montagnes, que les baies ou que les gros
rochers, mais, parce qu'il est trop jeune, il ne comprend
pas, il ne parvient pas à deviner ce que toutes
ses visions veulent dire. Bien sûr, sa mère
lui reproche de confondre les rêves et la réalité,
et lorsqu'il se confie à sa soeur Gottína,
il n'y gagne que le surnom de "Grímur le conteur
de sornettes" (ce qui fait très "saga"
aussi, cela sonne comme un Thórir
Crève-Géant, un Hrólfr
Marche-à-Pied ou un Geirmundr Peau-d'Enfer), mais
il s'entête, il veut savoir. Et il se met à
dessiner, il couche sur le papier les visions qui traversent
son esprit et tente de rassembler les morceaux du puzzle.
Peu à peu, les choses se précisent, et,
quand elles finissent par devenir claires... il est trop
tard. Il comprend avec douleur ce qu'il en coûte
de vouloir regarder le destin en face... L'ambiance n'est
pas à la fête — même parvenu
à l'âge d'homme, Grímur continue de
porter son fardeau en silence, un peu en sauvage —,
mais cette histoire de libération, de démons
intérieurs que l'on finit par chasser, parvient
vraiment à émouvoir... Incidemment, s'il
vous arrivait de trouver que le garçon qui incarne
Grímur enfant ressemble étonnamment
à Ingvar Eggert Sigurðsson, eh bien,
dites-vous que c'est normal ; les deux sont père
et fils dans la vraie vie. Quant à Gottína,
c'est la même chose : son rôle est tenu
par la fille même du comédien. |