Les Indiens d'Amérique centrale vus par
un Espagnol du 16e siècle
La population qui occupe le pays [...] appartient à une race de taille moyenne, de corps bien proportionné, avec cette particularité que dans chaque province ils modifient eux-mêmes leurs physionomies : les uns se perçant les oreilles pour y mettre de grands et vilains objets, d'autres se perforant les cartilages du nez pour y introduire de grandes pierres rondes qui paraissent des miroirs, et d'autres se perçant la lèvre inférieure jusqu'aux dents, pour y pendre de grandes roues d'or ou des pierres si lourdes qu'elles leur font des lèvres tombantes [...]

Leurs vêtements sont faits d'une espèce d'étoffe de gaze couverte de peintures ; les hommes cachent leurs nudités et s'enveloppent le buste d'une étoffe très fine et toute peinte, rappelant les draperies maures ; les femmes de la basse classe portent une jupe d'étoffe peinte qui leur tombe sur les pieds avec un petit corsage qui leur masque les seins ; le reste est découvert. Les femmes nobles se montrent vêtues de longues chemises d'une fine étoffe de coton toute brodée [...]

Leurs vivres se composent de maïs, de quelques autres grains [...] et de la yuca [...] qu'ils mangent rôtie, ne sachant pas en faire du pain ; ils ont leurs pêcheries et leurs chasses, ils élèvent beaucoup de poules [...] qui sont grosses comme des paons (1).

Il y a de grands villages fort bien construits ; là où les pierres abondent, les maisons sont en pierre, reliées en chaux et mortier [...] ; là où les pierres manquent, ils les construisent en adobe (2) qu'ils blanchissent à la chaux, et les toits sont en chaume.
1. Des dindons.
2. Briques en terre.

(Hernán Cortés, 1ère lettre à l'empereur Charles Quint, juillet 1519 - traduction de Désiré Charnay)