Premiers contacts avec les Indiens d'Amérique du Nord
Un homme vint à nous, qui courait après nos barques, le long de la côte, et nous faisait plusieurs signes pour que nous retournions vers [le] cap. Et nous, voyant de tels signes, commençâmes à voguer vers lui ; et lui, voyant que nous retournions, commença à fuir et à se sauver devant nous. Nous descendîmes à terre devant lui, et lui mîmes un couteau et une ceinture de laine sur un bâton ; et puis nous nous en allâmes à nos navires.
Jacques Cartier, Première relation de la découverte de la Terre-Neuve, dite la Nouvelle France, 1534 (Rencontre au Cap du Sauvage, sur l'île du Prince-Édouard — mercredi 1er juillet 1534)
 
Nous aperçûmes deux bandes de barques de sauvages, qui traversaient d'une terre à l'autre, où ils étaient plus de quarante ou cinquante barques [...] Il sauta et descendit à terre un grand nombre de gens qui faisaient plusieurs signes pour que nous allions à terre, nous montrant des peaux sur des bâtons. Et comme nous n'avions qu'une seule barque, nous ne voulûmes point y aller, et nous nous dirigeâmes vers l'autre bande qui était en mer. Et eux, voyant que nous fuyions, équipèrent deux de leurs plus grandes barques pour venir après nous, auxquelles se joignirent cinq autres de celles qui venaient de la mer, et vinrent jusqu'auprès de notre barque, dansant et faisant plusieurs signes de joie et de vouloir notre amitié, nous disant dans leur langue : Napou tou daman asurtat (1), et autres paroles que nous ne comprenions pas. [...] Et comme malgré les signes que nous leur faisions ils ne voulaient pas se retirer, nous leur tirâmes deux passe-volants (2) par-dessus eux. Alors ils se mirent à retourner vers [la] pointe, et firent un bruit extrêmement grand, après lequel ils commencèrent à retourner vers nous, comme avant. Et alors qu'ils étaient près de notre barque, nous leur lâchâmes deux lances à feu qui passèrent parmi eux, ce qui les étonna fort, tellement qu'ils prirent la fuite en grande hâte, et ne nous suivirent plus.
1. Ce qui signifie en langage Micmac : Ami, ton semblable t'aimera.
2. Petits canons.

(Rencontre avec des indiens Micmacs — lundi 16 juillet 1534)
 
Le lendemain, [une] partie desdits sauvages vint avec quelques neuf barques [...] où étaient mouillés nos navires. Et étant avertis de leur venue nous allâmes avec nos deux barques [...] où ils étaient. Et aussitôt qu'ils nous aperçurent, ils se mirent à fuir, nous faisant signe qu'ils étaient venus pour trafiquer avec nous ; et ils nous montrèrent des peaux de peu de valeur dont ils se vêtent. Nous leur fîmes pareillement signe que nous ne leur voulions nul mal, et descendîmes deux hommes à terre pour aller à eux, leur porter des couteaux et autres objets de fer, et un chapeau rouge pour donner à leur capitaine ; [...] et ils montrèrent une grande et merveilleuse joie d'avoir et de recevoir lesdits objets de fer et autres choses, dansant et faisant plusieurs cérémonies en jetant de l'eau de mer sur leur tête avec leurs mains. Et ils nous donnèrent tout ce qu'ils avaient, tellement qu'ils s'en retournèrent tout nus, sans rien avoir sur eux ; et ils nous firent signe que le lendemain ils reviendraient avec d'autre peaux.
(Troc avec des indiens Micmacs — mardi 17 juillet 1534)
 
Ils avaient fait fuir toutes les jeunes femmes dans les bois, sauf deux ou trois, qui demeurèrent, à qui nous donnâmes chacune un peigne et une petite clochette d'étain, dont elles eurent grande joie, remerciant le capitaine en lui frottant les bras et la poitrine avec leurs mains. Et eux, voyant ce que l'on avait donné à celles qui étaient restées, firent venir celles qui s'étaient enfuies dans le bois, pour en avoir autant que les autres ; elles étaient bien une vingtaine [...]
(Rencontre avec des Hurons-Iroquois — mercredi 25 juillet 1534)