Ils
entraient dans les villages et ne laissaient ni enfants,
ni vieillards, ni femmes enceintes ou accouchées
qu'ils n'aient éventrés et mis en pièces,
comme s'ils s'attaquaient à des agneaux réfugiés
dans leurs bergeries. Ils faisaient des paris à
qui ouvrirait un homme d'un coup de couteau, ou lui
couperait la tête d'un coup de pique ou mettrait
ses entrailles à nu. Ils arrachaient les bébés
qui tétaient leurs mères, les prenaient
par les pieds et leur cognaient la tête contre
les rochers. D'autres les lançaient par-dessus
l'épaule dans les fleuves en riant et en plaisantant,
et quand les enfants tombaient dans l'eau, ils disaient
: "Tu frétilles, espèce de drôle
!" ; ils embrochaient sur une épée
des enfants avec leurs mères et tous ceux qui
se trouvaient devant eux. Ils faisaient de longues
potences où les pieds touchaient presque terre
et par groupes de treize, [...] ils y mettaient le
feu et les brûlaient vifs. D'autres leur attachaient
tout le corps dans de la paille sèche et y
mettaient le feu ; c'est ainsi qu'ils les brûlaient.
A d'autres, à tous ceux qu'ils voulaient prendre
en vie, ils coupaient les deux mains, et les mains
leur pendaient ; et ils leur disaient : "Allez
porter les lettres", ce qui signifiaient d'aller
porter la nouvelle à ceux qui s'étaient
enfuis dans les forêts.
[...] Il a déjà été dit
que les Espagnols des Indes ont des chiens très
sauvages et très féroces, instruits
et dressés pour tuer et déchiqueter
les Indiens. [...] Pour nourrir ces chiens, les Espagnols
emmènent sur les chemins beaucoup d'Indiens
enchaînés, qui marchent comme des troupeaux
de porcs ; les Espagnols en tuent et tiennent boucherie
publique de chair humaine ; ils se disent les uns
aux autres : "Prête-moi un quartier d'un
de ces drôles pour donner à manger à
mes chiens en attendant que j'en tue un autre"
; comme s'ils échangeaient des quartiers de
porc ou de mouton.