Apprenez donc qu'en trente-trois jours je suis arrivé
aux Indes avec l'armada que me donnèrent mes
illustres seigneurs, le roi et la reine. J'y ai trouvé
de nombreuses îles dont j'ai pris possession
au nom de Leurs Altesses par proclamation et en faisant
déployer l'étendard royal [...] Ces
îles sont très belles, de contours variés,
très pénétrables, recouvertes
de mille sortes d'arbres majestueux qui paraissent
toucher le ciel. Je crois bien que jamais ils ne perdent
leurs feuilles, car je les ai vus aussi verts et beaux
que le sont les arbres au mois de mai en Espagne.
Certains sont couverts de fleurs, d'autres portent
des fruits, chacun selon son espèce. Le rossignol
et d'autres oiseaux chantaient de mille manières,
alors que je parcourais ces contrées en novembre.
Les gens [d'Hispaniola] et de toutes les îles
que j'ai vues vivent tout nus, aussi bien hommes que
femmes, tels que leurs mères les ont mis au
monde. Ils n'ont ni fer ni acier ; d'armes, ils n'en
connaissent pas. Ils sont bien faits et de bonne stature,
mais extraordinairement craintifs [...]
Ils n'ont aucune secte ni idolâtrie ; ils croient
seulement que la puissance et le bien se trouvent
dans le ciel ; et ils croyaient que moi et mes gens
nous venions du ciel avec nos navires. En tout endroit
où j'accoste, ils me reçoivent avec
le respect dû à un être divin,
dès que la crainte les a quittés. Et
pourtant, ils ont un esprit très éveillé,
parcourant toutes ces mers et sachant à merveille
rendre compte de tout ce qu'ils y observent ; mais
ils n'ont jamais vu d'hommes habillés ni d'embarcations
semblables aux nôtres [...]
Pour conclure et parler seulement de ce qui a été
fait dans ce voyage, je peux assurer Leurs Altesses
que je leur donnerai autant d'or qu'il leur sera nécessaire
[...], ainsi que des épices, du coton, autant
qu'elles en désireront, et de la gomme autant
qu'elles me demanderont d'en charger [...] également
des esclaves que l'on pourra prendre parmi les idolâtres.
Je crois avoir trouvé de la rhubarbe, de la
cannelle [...]