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L'Afrique du Nord avant l'arrivée des Arabes : sources narratives
Avertissement pour les lecteurs qui ont des problèmes de compréhension et qui ont l'insulte facile : tous les extraits de textes proposés ci-dessous ont été écrits par des Grecs et des Romains il y a environ 2000 / 2400 ans !
Commerce

Vers - 430 : le commerce sur les côtes de la Maurétanie

D'après les Carthaginois encore, il y a sur la côte lybienne un point habité, au-delà des Colonnes d'Héraclès, où ils abordent et débarquent leurs marchandises ; ils les étalent sur la grève, regagnent leurs navires et signalent leur présence par une colonne de fumée. Les indigènes, qui voient la fumée, viennent au rivage, déposent sur le sable de l'or pour payer les marchandises et se retirent ; les Carthaginois descendent alors examiner leur offre : s'ils jugent leur cargaison bien payée, ils ramassent l'or et s'en vont ; sinon, ils regagnent leurs navires et attendent. Les indigènes reviennent et ajoutent de l'or à la somme qu'ils ont déposée, jusqu'à ce que les marchands soient satisfaits. Tout se passe honnêtement, selon les Carthaginois : ils ne touchent pas à l'or tant qu'ils jugent la somme insuffisante, et les indigènes ne touchent pas aux marchandises tant que les marchands n'ont pas ramassé l'or. (Hérodote d'Halicarnasse)
(Hérodote, L'Enquête, livre IV/196 - traduction d'Andrée Barguet)
Guerre

A la fin du 3ème siècle avant Jésus Christ

Masinissa (1) quitta le champ de bataille et se réfugia avec quelques cavaliers sur la montagne que les habitants appellent le mont Bellus (2). Plusieurs familles suivirent le roi avec leurs tentes et leurs troupeaux : c'est là toute leur fortune. Le reste de la population se soumit en masse à Syphax (3).

Les irréductibles trouvèrent sur la montagne de l'herbe et de l'eau ; ces conditions convenaient aux troupeaux ; les hommes aussi, habitués à se nourrir de viande et de laitages, avaient largement de quoi subsister. Ils livrèrent bientôt à de discrètes attaques nocturnes, mais bientôt ils se mirent à piller tout le pays sans même se cacher. Ils dévastèrent surtout le territoire de Carthage, sûrs d'y trouver plus de butin et d'y rencontrer moins de danger.
(Tite-Live, Histoire Romaine, livre XXIX - traduction d'Annette Flobert)
Les Numides, disait-il (4), ne connaissaient rien aux combats d'infanterie et ne savaient se battre qu'à cheval ; c'était à cheval que leurs ancêtres avaient fait la guerre de tout temps et ils s'entraînaient dès l'enfance aux combats de cavalerie [...] Ce n'était pas qu'on manquât d'hommes dans le royaume, mais on ignorait l'art d'armer, d'équiper, de disposer les soldats ; les hommes se regroupaient au hasard, sans règle et sans méthode.
(Tite-Live, Histoire Romaine, livre XXIV - traduction d'Annette Flobert)
A la fin du 2ème siècle avant Jésus Christ

Le roi (5) s'était retiré dans des forêts, à l'abri de défenses naturelles, et là, il regroupait une armée plus nombreuse que la première, mais faible et sans force car elle était composée de cultivateurs et de bergers plus que d'hommes de guerre. Ceci s'explique par ce fait que, chez les Numides, en dehors des cavaliers de la garde royale, nul ne suit le roi dans sa fuite ; ils se dispersent pour aller où il leur plaît, et cette conduite n'est pas regardée comme déshonorante pour un soldat. Telles sont leurs mœurs.
(Salluste, La Guerre de Jugurtha, livre LIV - trad. de François Richard)

1. Roi numide (tribu des Massyles) allié des Romains.
2. Chaîne de montagnes au sud de la vallée de la Medjerda.
3. Roi numide (tribu des Masésyles) allié des Carthaginois.
4. Syphax.
5. Le roi numide Jugurtha, battu par les Romains en -107.
 
Au 1er siècle après Jésus Christ

Tacfarinas (1) [...] disposant d'une armée moins solide, mais supérieure pour des opérations de pillage, divisait ses forces en petits groupes pour attaquer, se dérober et, en même temps, tendre des embuscades [...]


Les Numides ne peuvent résister à une infanterie en bataille rangée [...] On avait compris, à la suite de plusieurs expéditions contre Tacfarinas, qu'il ne fallait pas poursuivre avec une seule colonne lourde un ennemi insaisissable [...]
(Tacite, Annales, livre III, chapitre LXXIV-1, traduction de Pierre Grimal)
(Tacite, Annales, livre IV, chapitre XXIV-2 & 3, trad. de Pierre Grimal)


1. Chef Numide formé dans les troupes auxiliaires romaines puis déserteur. Il a provoqué des soulèvement en 17 et en 21. Il fut vaincu et tué en 24 à Auzea (Aumale).
 
Habitat

-203 : un campement pendant l'hiver

Les Carthaginois s'étaient construit pour passer l'hiver des cabanes tout en bois, faites d'un grossier assemblage de branches qu'ils allaient chercher dans la campagne. Les Numides habitaient plutôt des huttes de jonc, presque toutes recouvertes de nattes ; ces huttes n'étaient pas alignées, il y en avait partout...
(Tite-Live, Histoire Romaine, livre XXX - traduction d'Annette Flobert)
 
Hommes

Les habitants de l'Afrique du Nord vus par un Grec du 5ème siècle avant Jésus-Christ


A l'ouest du lac Tritonis (1), les Lybiens (2) ne sont plus nomades.

A l'ouest du fleuve Triton, après les Auses, viennent désormais les Lybiens qui cultivent le sol et ont des maisons ; ce sont les Maxyes, qui laissent pousser leurs cheveux sur le côté droit de la tête et les rasent sur le côté gauche, et qui se frottent le corps de vermillon.

[Après les Zauèces] viennent les Gyzantes qui ont beaucoup de miel d'abeilles, mais chez qui, dit-on, on fabrique un miel artificiel (3) en quantité plus grande encore. Tous se frottent de vermillon ; ils mangent des singes, qui abondent dans leurs montagnes. (Hérodote d'Halicarnasse)
(Hérodote, L'Enquête, livre IV/187 - traduction d'Andrée Barguet)
(Hérodote, L'Enquête, livre IV/191 - traduction d'Andrée Barguet)
(Hérodote, L'Enquête, livre IV/194 - traduction d'Andrée Barguet)


1. Chott el-Djérid en Tunisie ?
2. Rien à voir avec les Lybiens d'aujourd'hui. Pendant l'Antiquité, les habitants de l'Afrique du Nord, Les Maures, les Numides et les Gétules, étaient appelés "Lybiens" par les Grecs et "Afri" par les Romains.
3. Miel à base de jus ou de pâte de fruit.
 
Les habitants de l'Afrique du Nord vus par un Romain du 1er siècle avant Jésus-Christ

L'Afrique au début, était habitée par les Gétules et les Libyens, rudes, grossiers, nourris de la chair des fauves, mangeant de l'herbe comme des bêtes. Ils n'obéissaient ni à des coutumes, ni à des lois, ni à un chef ; errants, dispersés, ils s'arrêtaient à l'endroit que la nuit les empêchait de dépasser.

Les territoires jusqu'à la Maurétanie, appartiennent aux Numides. Les peuples les plus rapprochés de l'Hispanie sont les Maures. En arrière de la Numidie sont, dit-on, les Gétules, les uns vivant dans des cabanes, les autres, plus barbares encore, allant à l'aventure. Derrière sont les Ethiopiens, et plus loin enfin, les pays brûlés par le soleil.

Le Numide se nourrit de lait et de la chair des bêtes sauvages ; il ne recherche ni le sel ni les autres choses qui excitent la gourmandise ; il mange et boit parce qu'il a faim et soif, non par plaisir...

Les Numides font plutôt du pâturage que du labourage...

Le mariage n'est pas chez les Numides et les Maures une chaîne bien lourde, le même individu pouvant, suivant ses ressources, prendre plusieurs femmes, dix et même davantage, et les rois encore plus. Les sentiments du mari se partagent entre cette foule de femmes ; aucune n'est vraiment pour lui une compagne, et il fait aussi peu de cas des unes que des autres.

Le peuple inconstant, comme toujours, et surtout chez les Numides, aspirait au désordre et à la discorde par amour de la révolution et aversion pour les situations calmes et tranquilles. (Salluste - Caius Sallustius Crispus)
(Salluste, La Guerre de Jugurtha, livre XVII - trad. de François Richard)
(Salluste, La Guerre de Jugurtha, livre XIX - trad. de François Richard)

(Salluste, La Guerre de Jugurtha, livre LXXXIX - trad. de François Richard)
(Salluste, La Guerre de Jugurtha, livre XC - trad. de François Richard)
(Salluste, La Guerre de Jugurtha, livre LXXX - trad. de François Richard)
(Salluste, La Guerre de Jugurtha, livre LXVI - trad. de François Richard)
 
Les habitants de l'Afrique du Nord vus par un Grec du 1er siècle avant Jésus-Christ

Le territoire de Carthage est de bonne taille. A sa suite, on trouve le pays des Nomades (1). Les plus connus d'entre eux portent le nom de Masyliens et de Masaesyliens. En dernier lieu, il y a les Maurusiens. Tout le pays depuis Carthage jusqu'aux Colonnes (2) est prospère, mais infesté de bêtes sauvages, comme d'ailleurs toute la Libye intérieure. Il n'est pas invraisemblable que quelques-uns des peuples qui vivent là doivent leur nom de Nomades au fait qu'ils ne pouvaient se livrer à l'agriculture dans les temps anciens, vu le grand nombre des bêtes sauvages.
(Strabon)
(Strabon, Géographie, II, 5, 33)

1. Les Numides.
2. Les Colonnes d'Hercule (Détroit de Gibraltar).
 
Paysages

L'Afrique du Nord vue par un Grec du 5ème siècle avant Jésus-Christ

A l'ouest du fleuve Triton (1), après les Auses, viennent désormais les Lybiens qui cultivent le sol et ont des maisons [...] Leur pays, ainsi que le reste de la Lybie en direction du couchant, est bien plus riche en animaux sauvages et en forêts que celui des nomades [...] En direction du couchant, la Libye des peuples sédentaires est très montagneuse et peuplée d'animaux sauvages. Là vivent les serpents gigantesques, les lions, les éléphants (2), les ours, les aspics, les ânes cornus (3), les créatures à tête de chien (4), les créatures sans tête aux yeux placés sur la poitrine (s'il faut en croire les Libyens), les hommes et femmes sauvages (5), et bien d'autres créatures encore, — qui existent bel et bien.
(Hérodote d'Halicarnasse)
(Hérodote, L'Enquête, livre IV/191 - traduction d'Andrée Barguet)

1. A l'ouest du Chott el-Djérid en Tunisie ?
2. Les éléphants, utilisés plus tard par les armées carthaginoises, disparurent de Tunisie au 1er siècle après Jésus-Christ.
3. Des antilopes ?
4. Des singes cynocéphales probablement (babouins, hamadryas, mandrills).
5. Peut-être des chimpanzés ou des gorilles.
 
L'Afrique du Nord vue par un Romain du 1er siècle avant Jésus-Christ

Au milieu de vastes déserts s'élevait une grande et forte ville du nom de Capsa (1) [...] Les habitants ne payaient aucun impôt à Jugurtha (2) [...] et, pour cette raison, ils lui étaient demeurés très fidèles ; ils étaient défendus contre l'ennemi, non seulement par des murs, des armes et des hommes, mais surtout par la sauvagerie du pays. En effet, sauf la zone qui touche à la ville, tout le reste de la contrée est désertique, sans culture, sans eau, infesté de serpents dont la cruauté — comme il arrive pour tout les animaux sauvages — augmente quand ils n'ont rien à manger ; sans compter que, par nature, le serpent est surtout dangereux lorsqu'il a soif. (Salluste - Caius Sallustius Crispus)
(Salluste, La Guerre de Jugurtha, livre LXXXIX - traduction de François Richard)

1. La ville de Gafsa, aujourd'hui en Tunisie.
2. Roi numide, battu par les Romains en -107.
 
Mise à jour : 18 janvier 2004